Auteur : Yannick Guéguen / Date : 29 novembre 2022
Comment appréhender l'espace par la dimension tactile ?
Le projet "Inclusion tactile s’intéresse aux dimensions des matériaux et aux interactions avec les objets dans la ville. Il aborde la question de l’appréhension de la ville en interagissant avec elle par le toucher. L’hygiène entourant ce sens, mais aussi les règles sociales peuvent créer des limites à cette exploration. Comment alors trouver une tactique pour inciter les citoyens à davantage de contacts, dans les multiples situations limitant l’exploration ?
Les contacts avec la ville sont essentiellement effectués lors d’échanges fonctionnels sous la contrainte de la nécessité. Il est rarement envisagé que le sens tactile soit utilisé pour bonifier l’expérience et augmenter l’émotion d’un instant. D’ailleurs, les stratégies de design mises en place pour créer des dispositifs de répulsion sont courantes.
Mou/dur, adhérant/glissant, chaud/froid, lisse/rugueux
Afin de déjouer les représentations sociales limitant l’investigation tactile, des balades en groupe permettent une exploration conviviale dépassant la peur du regard social. Lors de celle-ci, il est proposé la découverte du spectre des différentes textures composant la ville. Les matières collantes, molles, sont découvertes au milieu des surfaces lisses ou rugueuses. Une matière chaude entre en contraste avec une matière qui se révèle froide. Certains matériaux lisses se révèlent adhérents. Différents protocoles sont utilisés comme les marches en binômes où une personne a les yeux bandés, ou bien le toucher d’un revêtement avec un instrument.
La prise en compte des dimensions tactiles offre une perspective pour l’appréhension de la ville. Comment dans cette perspective concevoir l’amélioration du confort ? Comment tirer parti des prises sur l’environnement, des affordances (Gibson) ? Comment le toucher permet-il d’augmenter la mémoire d’un événement ? Comment envisager une gestualité inédite , des comportements différents, un nouvel usage de la ville ? Mais aussi au-delà de l’expérience collective, comment amener le public dans une expérience tactile à faire en solo ?
Afin d’amener le public à poursuivre cette expérimentation en solo, un vidéoguide a été élaboré, de manière à transformer l’expérience réelle du toucher en une expérience artistique. Le toucher est ainsi, selon les termes d’Erwin Goffman, modalisé et s’inscrit par rapport à la fiction du récit proposé. En effet, il doit suivre une danseuse qui tantôt le guide dans l’exploration tactile, tantôt l’avertit du danger social. Un jeu entre la fiction et le réel s’opère. Des stratégies de tournage sont imaginées.
Des sculptures tactiles ponctuent le parcours. Appelées « Inclusions tactiles », elles proposent à celui qui effectue le vidéoguide de les toucher en vrai, ou de les voir dans l’image. Réalisées lors d’ateliers artistiques, elles disparaissent progressivement sur le parcours, d’autres restent longtemps, peut-être adoptées par les résidents. À l’image des exercices tactiles de Laszlo Moholy Nagy, ces sculptures sont d’autres invitations à la curiosité et au toucher. Elles jouent sur les sensations, mais aussi sur les gestuelles.
À partir de la recherche-création il est possible de prolonger la réflexion amorcée par le projet. Comment des roues de qualification, ainsi qu’une mallette d’échantillons tactiles pourraient-elles contribuer à la poursuite méthodologique ? Comment une signalétique pourrait-elle être créée et fonctionner pour les personnes aveugles et en même temps pour tous ? Comment un urbanisme tactile changerait-il la façon d’envisager la reconquête d’un territoire hostile à l’être humain ?
Gibson, James J. (1966). The Senses Considered as Perceptual Systems. Allen and Unwin, London.
Williams, Luke (2002). «L’espace tactile en design : une investigation méthodologique comparée, avec une application à la douceur». Master Thesis, Montréal. Université de Montréal
Parcours vidéo-tactile - mai 2009
Réalisation et scénarisation : Luke Williams, Yannick Gueguen et Édith Normandeau
Co-production : Audiotopie, Dare Dare
Diffusion : Off-biennale
Inclusion tactile - juin 2010
Réalisation et scénarisation : Yannick Guéguen, Édith Normandeau
Co-production : Audiotopie, Péristyle Nomade, École secondaire Pierre-Dupuy
Recherche : Luke Williams
Narration : Frédéric Bélanger
Caméra : David Tousignant
Conception sonore : Étienne Legast, David Martin
Chorégraphie : Élise Hardy
Montage vidéo : Étienne Legast
Masterisation : Thierry Gauthier
Graphisme : Yannick Guéguen
Production déléguée : Catherine Lalonde Massecar, Nicolas Rivard
Processus participatif : Stéphanie Gaudet, Vincent Mayer
Soutien financier : Conseil des arts de Montréal et de la Conférence Régionale des Élus de Montréal dans le cadre du programme Libres comme l’art et du Programme de soutien à l’école montréalaise du Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport (PSÉM)