Auteur : Yannick Guéguen / Date : 29 novembre 2022
Comment repenser les services en interrogeant les dimensions du goût ?
Le projet “Gusta-son” vise à réfléchir aux différents services reliés à l’alimentation, à la fabrication de repas, à la livraison, à penser les circuits courts entre les producteurs et les consommateurs, tout en développant des expériences gustatives, artistiques et sonores autour de la prise de repas.
Agréable, amer, bon, dégoûtant, délicat, délicieux, désagréable, doux, épicé, excellent, exquis, fade, fort, pimenté, piquant, relevé...
Utilisant les méthodologies en design de service, l’objectif est de redéfinir la chaîne d’acteurs impliqués dans le développement de services, pour valoriser l’offre et les produits. Ces derniers sont alors mis à l’épreuve dans le but d’augmenter leur valeur ajoutée et d’offrir de nouveaux potentiels.
Les méthodes des itinéraires permettent de caractériser les circuits, de rencontrer les acteurs et de documenter par le son les rencontres effectuées. Les itinéraires vécus permettent d’offrir de nouvelles hypothèses de connexions avec d’autres partenaires potentiels sur le territoire.
Ensuite les rituels pour manger sont envisagés dans plusieurs dimensions : anthropologique, artistique, économique. La qualification des goûts permet d’interroger les rapports à la nourriture, le temps de prise d’un repas et à des sensations convoquées. Le goût permet de créer un biais créatif pour sortir des sentiers battus et ouvrir l’offre de service vers de nouvelles avenues.
Le repas est aussi pensé dans le projet par le biais du son, en étant enregistré, composé pour augmenter les sensations, les effets sonores des aliments et les impacts des rituels de consommation alimentaire. Les expériences de sensations agréables ou désagréables en réponse à des sons de bouches, de mastications, sont ainsi explorées (ASMR). Les troubles de la misophonie peuvent aussi appuyer l’expérience, tout comme des repas dans le noir.
Des éléments narratifs complètent aussi l’expérience en permettant le guidage, l’inclusion ou l’amplification d’une caractéristique du service. L’univers sonore quotidien peut aussi devenir une source d’inspiration, tout comme le silence comme élément de confort.
Les itinéraires sonores permettent de développer l’analyse et la réflexion, tout en permettant au public de visualiser les circuits courts et les chaînes d’acteurs. Ils peuvent devenir en soi un service de promenade de sensibilisation à l’impact d’une consommation responsable socialement et environnementalement.
Le travail sur les repas permet de réfléchir à l’offre de services et ouvre une nouvelle expérience artistique inusitée, invitant le temps d’un repas à vivre une œuvre gustative et sonore. L’expérience permet d’être vécue collectivement pour créer du lien social, mais aussi pour prendre conscience du potentiel du repas.
L’expérience permet à la fois aux chefs cuisiniers d’ouvrir un champ d’exploration, par le goût, valorisant l’interaction et définissant un temps pour la recherche créative et sociale. D’autres outils sont alors créés pour faciliter la caractérisation des aliments, qualifier le goût, ouvrir un dialogue sur les sonorités, offrir d’autres services qui seront nés de cette expérience collaborative.
Lupton, Ellen, Lipps, Andrea (2018) The senses: Design beyond vision, Cooper Hewitt, Smithsonian Museum & Princeton architectural press, New York
Stickdorn, Marc (2011) This is service design thinking : basics, tools, cases, Hoboken, N.J. : Wiley.